Finale des J.O. de Pékin. 24 août 2008.

pau gasol kobe bryantCertains matchs marquent une compétition, une nation ou un joueur. D’autres marquent tout simplement l’histoire d’un sport. Un moment magique où deux équipes livrent ce qu’elles ont de meilleur, où l’enjeu ne l’emporte pas sur le jeu. On n’oublie jamais l’endroit où on se trouvait lorsqu’un événement marquant se produit dans le monde. Tous les fans du basket international se souviennent où ils étaient lorsque la finale des Jeux Olympiques de Pékin se joua en cette fin de mois d’août 2008. Ce match n’était pourtant pas forcément destiné à devenir un classique. Flashback.

Nous sommes à Athènes, sur le podium des Jeux Olympiques quatre ans plus tôt. Sur la plus haute marche, se trouve une magnifique équipe d’Argentine, vainqueur d’une non moins valeureuse équipe italienne. Têtes basses et regards songeurs, les Américains complètent le podium sans la moindre satisfaction. Après l’humiliation du championnat du Monde 2002 à Indianapolis et ce nouvel affront, USA Basketball doit faire face à une crise sans précédent. 12 ans seulement se sont écoulés depuis l’emblématique sacre de la Dream Team à Barcelone, et l’équipe nationale américaine ne fait plus la loi lors des compétitions internationales. Jerry Colangelo est nommé au sein de l’organisation avec une seule mission : redonner à la sélection ses lettres de noblesse et retrouver la place qu’ils considèrent comme leur propriété, celle de numéro un. Il concentre alors ses efforts sur le processus de sélection en réclamant un engagement sur plusieurs années à ses joueurs, mais s’attache surtout à constituer un groupe complémentaire. Fini l’empilement des noms sur le parquet sans penser à la construction d’une équipe au sens noble du terme.

Kobe Bryant - Beijing 2008Si certains déclinent poliment l’invitation, la jeune génération symbolisée par LeBron James, Dwyane Wade ou encore Carmelo Anthony se révèle globalement assez enthousiaste pour adhérer au projet. Le très respecté Mike Krzyzewski sera l’entraineur de cette équipe qui doit entamer son parcours de reconquête lors du championnat du Monde 2006 au Japon. Malheureusement, cette campagne sera un nouvel échec sportif avec une défaite en demi-finale face à la Grèce qui prive à nouveau les Américains de la plus belle des médailles. Mais les progrès sur le plan extra-sportif sont visibles et malgré quelques couacs (Coach K. parvient difficilement à identifier les joueurs grecs en conférence de presse, avouant finalement qu’ils n’avaient pas franchement étudié la vidéo…), la troupe américaine s’est bien comportée. USA Basketball ne se formalise pas de ce nouvel échec et conserve sa ligne de conduite pour la prochaine compétition qui revêt une importance toute particulière à leurs yeux et à ceux du grand public américain : les Jeux Olympiques.

Pour y participer, les Américains mettent toutes les chances de leurs côtés en obtenant l’organisation du tournoi des Amériques qu’ils dominent de la tête et des épaules (10 victoires en autant de matchs, 39,5 points d’écart en moyenne, victoire 118-81 en finale face à l’Argentine). Une simple formalité qui sert de répétition générale avant le grand rendez-vous olympique. Forts de leur expérience internationale, les rescapés du Mondial 2006 tiennent leurs engagements et sont au rendez-vous : LeBron James, Carmelo Anthony, Dwyane Wade, Chris Paul, Dwight Howard et Chris Bosh. A cette base déjà très solide s’ajoute Kobe Bryant, tout auréolé du seul trophée de MVP de la saison régulière NBA de sa carrière. L’ensemble a déjà fière allure, mais USA Basketball prend soin de le compléter soigneusement pour répondre à des besoins bien spécifiques : du leadership et de l’expérience sur et en-dehors du parquet (Jason Kidd), du tir extérieur pour faire face aux défenses de zone souvent proposés par les adversaires (Michael Redd), un meneur pouvant également évoluer sur le poste 2 (Deron Williams), un joueur polyvalent tourné vers le collectif (Tayshaun Prince) et un batailleur sous le cercle qui avait fait ses preuves dans le marasme athénien quatre ans plus tôt, familier de Mike Krzyzewski (Carlos Boozer). Surtout, les soldats de l’Oncle Sam bénéficient cette fois d’une préparation digne de ce nom avec une palanquée de stages et de matchs de préparation, grande nouveauté dans le système américain.

lebron wade bosh 2008 jo

Sur le papier, cette armada n’a aucun équivalent dans le tournoi et va rapidement le démontrer en marchant sur la concurrence dès le premier jour. La Chine (101-70), Angola (97-76), l’Allemagne (106-53), et même les cadors européens que sont la Grèce (92-69) et l’Espagne (119-82) sont désossés sans ménagements. Aux qualités athlétiques innées de leurs joueurs, les Américains ajoutent une discipline et une rigueur dans leur jeu qu’on n’avait plus observé chez eux depuis bien longtemps. Mieux encore, leur investissement défensif est sans commune mesure avec celui déployé lors des campagnes précédentes. Plus vite, plus hauts, et plus forts que tout le monde, ils impressionnent adversaires et observateurs, jusqu’aux plus féroces compétiteurs du reste du monde, pas venus à Pékin pour faire du tourisme.

Parmi ces adversaires, le plus sérieux semble être l’Espagne. Championne du Monde en 2006 et finaliste malheureuse de son Euro en 2007, la Roja n’est qu’au début de son règne et présente un effectif d’une rare densité autour de sa superstar Pau Gasol (coéquipier de Bryant aux Lakers) : une multitude de joueurs estampillés NBA (Juan Carlos Navarro, Jose Calderon, Raul Lopez et Jorge Garbajosa déjà passés par la grande ligue, que Rudy Fernandez et Marc Gasol se préparent à rejoindre), quelques joueurs rompus aux joutes internationales (Felipe Reyes, Carlos Jimenez, Alex Mumbru) sans oublier la jeune garde, symbolisée par le prodige Ricky Rubio (17 ans). Surtout, cette équipe possède un vécu collectif forgé à travers les années qui lui offre un avantage certain face à l’équipe américaine.

Olympics Day 16 - BasketballInvaincue en préparation, la troupe d’Aïto Garcia Reneses remporte chacune de ses premières sorties sans grande difficulté malgré quelques frayeurs, notamment face à la Chine (victoire 85-75 après prolongation). L’aîné des frères Gasol est le meilleur marqueur du tournoi (19.6pts par match à 65% de réussite) alors qu’il ne joue que 27.5 minutes de jeu en moyenne et demeure l’incontestable leader d’un ensemble sur de sa force. Nombreux sont ceux qui pensent que cette équipe possède les armes pour inquiéter les boys de Mike Krzyzewski. Pourtant, il n’y aura pas match lors de leur premier rendez-vous en phase de poules.

Les Espagnols sont dépassés dans tous les compartiments du jeu. Ils prennent la foudre dès la première mi-temps (61pts encaissés) et ne parviennent jamais à se dépêtrer du défi physique imposé par Team USA (28 balles perdues !). “Ils voulaient envoyer un message et ils l’ont fait de façon claire et nette. Ils voulaient montrer qu’ils étaient supérieurs et ils l’ont fait” commenta simplement Pau Gasol à l’issue de la rencontre.

Toujours hégémoniques en quart de finale (victoire 116-85 contre l’Australie), les Américains vont toutefois montrer quelques signes de nervosité face à l’Argentine en demi-finale. S’ils parviennent à prendre une douce revanche face à l’équipe qui les avait éliminés prématurément en 2004, le score ne traduit pas les difficultés rencontrées face à une équipe rapidement privée de son meilleur joueur Manu Ginobili, à cause d’une blessure à la cheville. L’Espagne de son côté, souffre face à la Lituanie en demi-finale après n’avoir fait qu’une bouchée d’Angola en quart, mais s’offre une revanche face à l’ogre américain. Double-revanche même puisque Team USA avait éliminé l’Espagne en quart de finale des JO 2004 à Athènes, probablement le seul match de la compétition lors duquel les Américains furent à la hauteur de leur réputation.

Les deux incontestables meilleures équipes se retrouvent au bout de la compétition pour une finale de rêve. Le champion du Monde face au mythe. Mais les images de la première rencontre entre les deux équipes n’incitent pas à l’optimisme. La “Redeem Team” semble intouchable. “Ils sautent plus haut, ils courent plus vite et sont plus forts. Il faut pourrir le match” selon Luis Scola. L’Espagne doit en plus se passer des services de son meneur titulaire Calderon, touché aux adducteurs, laissant la conduite du jeu à la pépite Rubio. Aura-t-on droit à un combat déséquilibré ? “L’Espagne a un banc suffisamment fort pour tenir la distance, la finale n’est pas jouée” prédit Sergio Hernandez le sélectionneur Argentin, allant à l’encontre du sentiment général. Il ne croyait pas si bien dire.

A noter : cette finale des J.O. de 2008 est le match référence de l’immense George Eddy (il en parle notamment dans son interview accordée à nos confrères de Basket Rétro), qui fête son anniversaire aujourd’hui même. Happy birthday Big George !

Box score du match.

Première mi-temps :

Seconde mi-temps :

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