Yougoslavie vs Lituanie, Finale Eurobasket, 2 juillet 1995, OAKA Stadium d’Athènes.

L’héritage basketballistique des deux grands empires dominants de tradition communiste est immense. Après l’effondrement idéologique de leurs dirigeants politiques, l’URSS et la Yougoslavie se sont retrouvées éclatées, déchirées, boycottées, bref, détruites et éparpillées. Seulement, la profusion de talents jouant à la balle orange dans ces deux ex-empires, est proprement scandaleuse. La fin de l’URSS à donné naissance à la Russie des Babkov, Karassev et autres Bazarevitch, et à la Lituanie de « Sabbas » et « Marciu ». D’un monstre mythique, on se retrouve avec un dragon à deux têtes. De son côté, la Yougoslavie, bien qu’amputée de la Croatie des Kukoc, Radja et autres Komazec, et de la Slovénie de Zdvoc et d’Alibegovic, reste l’équipe dominante qu’elle n’aurait jamais due cessée d’être sans la mise au ban sportive qu’a engendré la folie de ses hommes politiques.

Après un Eurobasket 93′ marqué par l’absence de la Yougoslavie (exclue donc, de toute compétition internationale par l’ONU) et la victoire finale des fiers, disciplinés et athlétiques Allemands, l’édition de 1995, en Grèce, marque le retour aux affaires des Plavi. Plusieurs talents d’origine portent désormais un nouveau maillot. Mais les Yougoslaves, avides de reconnaissance dans les Balkans et dans toute l’Europe, avec un certain esprit de revanche, se montrent toujours dominants.

Une équipe Yougoslave, fière et arrogante

"La Main de Dieu" auteur dun match titanesque

“La Main de Dieu” en leader de cette formidable équipe de Yougoslavie

L’équipe emmenée par Dusan Ivkovic est véritablement monstrueuse. La mène est assurée par « La Main de Dieu », Sacha Djordjevic et son agressivité de tous les instants en attaque (14,9 pts et 3 assists/game) et son back-up Sacha Obradovic est tout aussi fiable, plus dans un rôle de gestionnaire. Les deux joueurs sont parfaitement complémentaires et se partagent les honneurs du cinq de départ, au fil des besoins de l’équipe. Malgré son pedigree, l’ex-joueur d’Antibes Zoran Stretenovic ramasse les miettes… c’est vous dire…

"LAraignée" Danilovic, un scoreur insupportable

“L’Araignée” Danilovic, un scoreur aussi talentueux qu’insupportable

A l’arrière, une gueule. Une star. Une tête de lard, parfois à la limite de l’antipathie. Mais un des joueurs les plus talentueux de cette période dorée. Pedrag Danilovic est un arrière tanké et athlétique qui sort de 3 saisons de domination au Kinder Bologne (triple champion d’Italie en titre) et s’apprête à rejoindre le Heat de Miami, avec la réussite qu’on lui connaît pour la suite. Il est le top-scoreur de cette escouade avec 17,4 pts/game et partage les postes extérieurs avec la nouvelle pépite, Dejan Bodiroga qui, à 22 ans, se montre efficace comme un diable (12 pts 5,2 rbds sur cet Euro) et laisse déjà entrevoir toute la magie qui sera la sienne dans les années à venir. Comme Stretenovic, le scoreur du Partizan Belgrade, Miroslav Beric ne jouera qu’une poignée de minutes dans cet Euro, à cause de la densité de l’effectif Plavi. Team USA mise à part, le backcourt de cette équipe Yougoslave n’a pas d’équivalent dans l’Histoire du basket moderne.

Et comme la frontcourt est aussi titanesque, on vous laisse imaginer le boulot des adversaires pour préparer les rencontres contre les Plavi. L’ex-joueur des Spurs et ailier du Pana, Zarko Paspalj (8 pts/game) et le Laker (16 pts/game à L.A.) Vlade Divac (9-6-2) mettent la première couche. Ensuite viennent à leur tour Zoran Savic (PAOK) et Zeljko Rebraca (Partizan) pour saper le moral des survivants adverses à l’intérieur. Les pourtant talentueux Dejan Tomasevic et Dejan Koturovic ne font qu’agiter leur serviette ou chauffer la foule.

Les Plavi de Danilovic, Djordjevic & Divac en opération redemption

Les Plavi de Danilovic, Djordjevic, Divac & Obradovic en opération rédemption

A y réfléchir, et en réécrivant l’histoire, on ne sait même pas comment on aurait pu faire une place aux Radja, Kukoc et autres Croates, dans cet effectif… Effrayant.

Les Yougoslaves ont survolé leur Groupe A au premier tour, en battant sur le fil (84-80) le pays hôte, la Grèce en ouverture, en donnant une leçon de maîtrise aux Lituaniens (70-61), puis en terrassant l’Italie, la Suède, Israël et les tenants du titre Allemands.

En quart de finale, ils donnent une leçon de basket à une équipe de France, pourtant à son avantage jusqu’ici (4 victoires – 2 défaites, contre les imposants Russes et Croates ; Yann Bonato, 3ème scoreur de la compétition) : 104-86. La demi-finale, où les Plavi recroisent le fer face aux Grecs, se montrera à leur avantage, sans plus de frayeur que le public, chaud bouillant, aurait pu l’imaginer : 60-52.

Voilà pour ce qui est du parcours des Yougos jusqu’en finale, parcours ponctué d’un comportement arrogant, les « trois doigts levés vers le ciel » à chaque action à leur avantage (geste qui symbolise le « salut Serbe », vu par certains comme un geste nationaliste, dans un contexte où la grande guerre des Balkans est encore dans la mémoire de tous…). Sûrs de leur force.

En face, une Lituanie symbole d’un basket collectif et élégant

L’adversaire qui se dresse sur le chemin des Yougos, partis pour rafler l’Or, ne souffre pourtant d’aucun complexe d’infériorité et y va pour gagner. La Lituanie, bien qu’ayant une histoire récente, est constituée de joueurs mythiques, dont les carrières sont bardées de médailles et autres victoires dans des matchs aux sommets avec l’URSS. Bien que défaits au premier tour par leur adversaire du jour, ils ont terminé sans trop de frayeur, en écrabouillant leurs cinq autres adversaires.

"LAutre Dream Team" : Sabonis, Marciulionis & Karnishovas

“L’Autre Dream Team” : Sabonis, Marciulionis & Kurtinaitis

En quart, les Lituaniens l’emportent face à leurs ex-coéquipiers Russes, pourtant une des équipes phare de la décennie. En demi-finale, match superbe par la beauté du jeu pratiqué, les Baltes mettent à terre les Croates du trident Kukoc-Radja-Komazec, qui rêvaient secrètement d’en découdre avec leurs ex-partenaires d’avant guerre. Ce choc sportif et politique sentant le souffre n’aura finalement pas lieu. La Lituanie va jouer la finale…

Le jeu d’attaque Balte, léché et parfaitement orchestré par Vladas Garastas, repose sur le b.a.-ba du basket moderne : un axe 1-5 dominant. Et cet axe là, est peut-être un des plus beaux de l’histoire du basket-ball : Sarunas Marciulonis & Arvydas Sabonis.

Marciulonis, qui vient de quitter les Golden State Warriors pour Seattle, reste un arrière rugueux et solide, respecté de tous en NBA. Sur cet Eurobasket, il marche tout simplement sur l’eau, avec près de 22,5 pts, 4 rbds et 4,8 passes en moyenne. Quasiment élu MVP de l’Eurobasket avant même que la finale ne soit jouée, tellement il est paru au dessus du lot…

Sabonis, lui, vient de gagner l’Euroligue et s’apprête – enfin – à traverser l’Atlantique pour rejoindre la Grande Ligue. Il a marché sur tous ses adversaires durant la saison et continue sa route lors de cet Eurobasket (21,8 pts 14,5 rbds). Ses quarts de finales et demi-finales laissent leurs adversaires pantois et impuissants : 33 pts & 14 rbds face aux Russes, puis 26-17 face aux Croates en demi. Monstrueux !!!!

Arvydas Sabonis : Monstrueux !!!

Arvydas Sabonis : Monstrueux !!!

Arturas Karnishovas, qui vient d’exploser après une saison superbe à Cholet Basket est le parfait complément des deux Tsars. Élégant, fluide et scoreur (19,8 pts sur l’ensemble de la compétition) il montre qu’à 24 ans, il parait en mesure d’endosser la pression sur ce type d’événement.

Gintaras Einikis (7,6 pts & 3 rbds) ajoute un peu de muscle et son petit hook, à l’intérieur. L’association du rugueux pivot chauve à la légende Sabbas rend parfaitement vain toute tentative de passer en force à l’intérieur de la raquette balte.

Le reste de l’équipe est partagé entre la jeunesse et l’expérience : les Stombergas, Timinskas et autre Lukminas, qu’on ne présente plus, paraissent être prêts à prendre le relai des joueurs mythiques que sont les vieux briscards Rimas Kurtinaitis (encore 9 pts/game) ou Vlademaras Chomichus.

Un « Classic » époustouflant dans une ambiance incroyable

Cette finale de l’Eurobasket 95′ est et restera probablement la plus belle finale de l’Histoire de la compétition.

Sarunas Marciulionis en mode MVP : 22,5 pts 4 rbds 4,8 pds

Sarunas Marciulionis en mode MVP : 22,5 pts 4 rbds 4,8 pds

Les protagonistes sont les meilleurs de leur génération, peut-être, les meilleurs de l’Histoire pour certains d’entre eux. Le duel que se livrent les deux meneurs de jeu est homérique : tous les deux touchés par la grâce, Djordjevic (41 pts à 11/15) et Marciulonis (32 pts à 11/14) sont sur une autre planète, avec pratiquement aucun déchet dans leur jeu. Un des matchs qui a fait la légende de chacun de ces deux superbes joueurs.

Danilovic (23 pts) et Karnishovas (19 pts) sont magnifiques et le niveau de jeu qu’ils affichent est bluffant, se rendant coups pour coups derrière la ligne à 3 pts.

Et enfin, le Monstre Sabonis marche sur les pivots Yougoslaves : 20 pts et 8 rbds… avant d’être expulsé dans une ambiance indescriptible !!!

Le plus beau de cette rencontre qui est un « Classic » du basket-ball reste l’ambiance dans laquelle la rencontre s’est déroulée. Après l’expulsion pour cinq fautes de Sabbas, à cinq minutes de la fin, le match devient très houleux. Les Lituaniens s’estiment être victimes d’un corps arbitral injuste et après une nouvelle décision du duo gris à son encontre, les Baltes pètent littéralement un plomb : Sabonis fait un geste obscène envers l’arbitre, prend une faute technique et l’équipe… refuse de revenir sur le parquet !!!

Les Baltes reviennent finalement et il vous reste à visionner ce match épique pour vous faire votre propre avis et découvrir qui va remporter le titre continental…

Une rencontre à regarder chez soi, en se rongeant les ongles ou en groupe, dans un bar ou à la maison, en hurlant après chaque coups de sifflet, afin de revivre l’ambiance incroyable de ce « must be seen » du basket FIBA. Avec les commentaires de Bruno Poulain et George Eddy.

Box score du match.

TéléchargementMerci de me signaler les liens défaillants, par mail, ou directement en commentaire.