Saison régulière, HemisFair Arena de San Antonio le 8 Janvier 1992.

 

Les Spurs et les Lakers n’ont jamais été les meilleurs copains du monde. Ce n’est une surprise pour personne. Tout semble opposer la ville tranquille du Texas à la frénétique mégalopole de Californie. Le basket n’en est que la confirmation. Les Lakers ; qui ont connu les débuts de la NBA du coté des grands lacs de Mineapolis ; ont  écrasé les années 80 (5 titres, 9 finales).  Les Spurs, une des rares franchises survivantes de l’ABA, tentent depuis leur arrivée en NBA de s’installer comme une place forte à l’Ouest.

En Janvier 1992, nous sommes encore loin du sommet de la rivalité entre les deux équipes qui marquera la naissance du 21ème siècle. Mais, Il y a déjà un contentieux quand, au début des années 80, les éperons de Gervin et Gilmore essayaient, en vain, de briser l’hégémonie des inventeurs du showtime sur la Conférence.

Les deux équipes sont actuellement dans le dur (18v-14d pour San Antonio, 19v-14d pour les Lakers) et une victoire ferait le plus grand bien au deux sélections! La rencontre s’annonce disputée entre le jeune 5 majeur des Spurs et celui beaucoup plus expérimenté des Angelinos.

Jeunes padawans contre vieux maitres Jedis

Les Spurs s’annonçaient comme l’équipe du futur après une saison 89-90 de feu, passant à un match de scalper le futur finaliste Portland. Jeunes, athlétiques, spectaculaires, les boys de Larry Brown validaient les commentaires flatteurs la saison suivante avant le couac du premier tour des playoffs contre Golden State. Donnés largement favoris, ils se faisaient torpillés par les Warriors du Run TMC (4-1). Les désillusions continuent dans cette première partie de saison 91-92 où après un bon début de saison (10v-3d), les texans sont incapables d’ aligner deux matchs corrects de suite. La faute à un problème récurrent à la mène, le Maître de l’Embrouille Rod Strickland étant absent à cause de problème lié à son contrat. Le mal est peut-être plus profond, le rigoriste coach Brown ayant des soucis de communication avec ses joueurs notamment Strickland et Cummings.

San Antonio n’en reste pas moins une des équipes les plus excitantes à voir jouer actuellement. Dur en défense (4éme au rebonds, aux contres et 1er au pourcentage de tirs laissé à l’adversaire sur la saison), ils lâchent les chevaux en attaque. C’est dunkorama tous les soirs à l’HemisFair Arena ! Le patron de la cavalerie légère des Spurs, c’est le fantasque Rod Strickland. Absent les 24 premiers matchs de la saison, son retour fait le plus grand bien à l’équipe. Peu fiable à mi-distance, pas toujours concerné par la défense, c’est un passeur génial (8.6 assists par match). Sa vista lui permet de se faufiler dans les interstices pour fixer la défense et délivrer un caviar ou scorer près du cercle. L’ami Rod traîne quand même quelques containers de casseroles derrière lui, ratant de nombreux matchs (cette année à cause de son contrat et l’année dernière à cause d’une blessure à la main provoquée dans une  bagarre!). Sa cultissime no-look passe derrière à la tête à deux mains dans les dernière secondes du 7ème match de la demi-finale de conférence 1990 est encore dans toute les mémoires.

Après les Spurs, l'écureuil Strickland ira casser les noisettes des Blazers, Ils en ont de la chance!

Après les Spurs, l’écureuil Strickland ira casser les noisettes des Blazers. Ils en ont de la chance!

En comparaison, son compagnon du backcourt, Willie Anderson, c’est Mère Théresa ! Athlétique et complet ( 13.1 points, 5.3 rebonds, 5.3 passes), bon coéquipier. Doué au point de donner des boutons à Clyde Drexler lors de cette fameuse demi-finale, il y a deux ans.  Il manque par contre de gnac et de leadership, une des critiques qui reviendra souvent chez les Spurs dans les années 90.

Autre joueur dans sa 3ème saison NBA, c’est Sean Elliott, qui prouve dans ce match que débarrassé des blessures, il est un des athlètes les plus aériens et élégants de la ligue. Ailier de bonne taille (2m03), difficile à arrêter en un contre un et doté d’un shoot soyeux, l’ancien numéro 3 de la draft prend ses responsabilités et s’installe comme le 2ème scoreur des Spurs dans cette moitié de championnat.

Dans la raquette, associé à l’incontournable Mister Robinson, Terry Cummings connait une entame difficile entre blessures et bisbilles avec le coach. Sa production en baisse ne doit pas faire oublier qu’il est un des intérieurs les plus offensif du championnat, alternant shoot à mi-distance et jeu dos au panier. Il retrouvera son standing après le All-Star Break.

Si les 5 des Spurs a peu évolué en 3 ans. Le banc, trop faible en playoffs contre Golden State, a subi une complète révolution. L’arrivée du vétéran Vinnie Johnson est une des figures de proue de ce recrutement. Musculeux mais vif, le petit arrière sort du banc pour apporter son punch offensif (8.0 points par match). Un rôle qui convient également au puissant Antoine Carr, qui après une belle saison individuelle (20.1 points) dans une faible équipe des Kings, vient apporter encore plus de poids à un secteur intérieur déjà performant. Le reste du banc se compose de joueurs expérimentés (Tucker, Green, Pressey) et de jeunes loups en quête de temps de jeu (Sutton, Royal).

En face, les Lakers ont débuté également en fanfare (10v-3d). Une surprise vu le traumatisme causé par la  retraite de Magic suite à l’annonce de sa séropositivité une semaine avant le début de la saison régulière. Pour les vainqueurs de l’Open Mcdonald de Paris, cette saison devait être de la revanche contre les Bulls qui les ont battu sans contestation lors des dernières finales. Malheureusement l’absence de Magic se fera de plus en plus sentir au fil de la saison, Los Angeles connaissant de gros problèmes offensifs (24ème attaque de la ligue). Un comble pour une équipe ayant régalé le monde entier d’orgies offensives et de contre-attaques éclairs ! Les californiens vivent un total changement de culture depuis l’arrivée du coach Mike Dunleavy qui imposa un style plus défensif à l’équipe et un jeu d’attaque orienté davantage sur demi-terrain et le jeu dos au panier de Magic et Worthy. Un choix tactique gagnant qui contrecarra les projets de Portland en finale de conférence l’année dernière, qui se voyait bien retourner aux finales !

Des Lakers orphelin de Magic mais qui comptent dans  ses rangs des témoins de la décennie glorieuse avec Worthy, Scott et A.C Green. Le besogneux A.C n’a jamais été un esthète mais son abattage dans la raquette (13.6 points, 9.3 rebonds) et son professionnalisme ne sont plus à démontrer. Sa série de match jouée consécutivement est toujours en cours, ce qui lui vaudra le surnom d’ « Homme de Fer ». L’ancien compagnon de Magic dans le backcourt, Byron Scott, est une autre figure indissociable des jaunes et violets. Il a vécu un cauchemar contre les Bulls en finale, où diminué par une blessure, il a été transparent. En forme, il reste redoutable à longue distance et dans le jeu rapide.

Le nouveau meneur Sedale Threatt a sans doute hérité du job le plus difficile du monde : succéder à Magic Johnson en tant que playmaker titulaire des L.A Lakers ! Titulaire il l’a été rarement au cours de ses 8 précédentes saisons. L’agile Sedale n’a jamais connu la voie royale réservée aux top-picks de la draft. Choisi au 6éme tour (!!!) en 1983, l’ancien étudiant de West Virginia Institute of Technology en NAIA a du batailler pour faire son trou. Joueur de complément, excellent en défense et bon scoreur, il était destiné à faire souffler Magic. Le destin en décidera autrement, et révélera en lui des qualités de gestionnaire (7.2 passes) pour compléter ses talents d’attaquant (15.1 points).

- Hey Magic! Envoie la passe!-Ah non, moi c'est pas Magic, c'est Sedale!-Ah oui c'est vrai, excuse!-Pas grave-Hey Magic, par là, donne le ballon!-Oh purée! La saison va être longue!

– Hey Magic! Envoie la passe!
-Ah non, moi c’est pas Magic, c’est Sedale!
-Ah oui c’est vrai, excuse!
-Pas grave
-Hey Magic, par là, donne le ballon!
-Oh purée! La saison va être longue!

Autre joueur d’expérience  qui n’a pas connu le période fastueuse des Lakers, c’est Sam « Big Smooth » Perkins. Il ne faut pas se fier aux allures de gros chat endormi de l’ancien coéquipier de James Worthy (et de Michael Jordan) à North Carolina . C’est un faux-lent, aux belles qualités offensive qui n’est pas encore dans sa période « Je reste derrière la ligne et je balance un missile ». Auteur de brillants playoffs l’année dernière, c’est une valeur sûre dans la raquette (16.5 points, 8.8 rebonds).

Sur le banc sévi un autre scoreur-minute dans le style de Vinnie Johnson. Il s’agit de Terry Teagle, le joueur de 31 ans n’a qu’un crédo : « donne-moi le ballon, Yvon, pour que je colle un pion », un vrai psychopathe du shoot. Sur le reste de la touche, à part le sophomore Elden Campbell qui montre de belles dispositions (7.1 points, 5.2 rebonds, 2 contres) après une année rookie timide, il n y’a pas de quoi s’exciter. Un jeune joueur (Tony Smith) et des journeymen (Haley, Brown). A noter que le talentueux pivot Divac est blessé. Le successeur de Jabbar au poste de centre, manquera toute la première moitié de saison. Un handicap, le serbe aurait été utile pour  limiter l’impact de David Robinson.

L’Amiral contre Big Game James

Les deux stars de ce match ce sont bien sûr Robinson et Worthy. Les deux ex-numéro un de la draft. Ils ne jouent pas au même poste mais le sort du match dépend en partie de leurs prestations tant les deux équipes sont en souffrance actuellement.

Ils auraient pu être coéquipiers dans la future Dream Team. Le pivot de San Antonio sera du voyage à Barcelone tandis que l’ailier des Lakers restera à la maison, Chris Mullin et Scottie Pippen lui étant préféré. Une injustice tant le virevoltant James aura marqué les Lakers et la NBA.

Choisi à la place du déjà ultra spectaculaire Dominique Wilkins lors de la draft 1982, Le grand Worthy (2m05), ne fera jamais regretté ce choix à ses dirigeants. Plus collectif, meilleur défenseur que le Human Highlight Film, l’ailier champion avec North Carolina se fondra à merveille dans le jeu des Lakers. Aussi bien à l’aise dans le jeu showtime (l’action «Rebound Jabbar, pass to Magic, Magic runs the floor, no-look pass to Worthy, Slammmmm Dunkkkkk !!!!! Oh My ! What a play !!! » est un classique) que sur demi-terrain, Worthy vivra quelques duels légendaire contre Larry Bird en finales. Les playoffs et les matchs en enjeu, ce sont dans ces moments là que s’est forgé le surnom de Big Game James. La plupart des joueurs voit leurs statistiques baisser lors de la postseason, ce n’est pas le cas de l’ailier des Lakers qui aime le jeu dur des séries. Match 7 décisif de la finale 1988  ? 36 points, 16 rebonds, 10 passes pour James qui achèvent les Pistons !

Avec le retrait de Jabbar et de Magic, le leadership de l’équipe revient à Worthy et c’est un nouveau challenge pour l’ailier de 30 ans. Son pourcentage de réussite souffre du jeu plus lent des Lakers mais il reste très performant (19.9 points, 5.6 rebonds, 4.7 passes en 91-92) sa confrontation avec la star montante, Sean Elliott est une des clés du match.

Souquez ferme, moussaillons et matelots! Il faut ramener le titre à San Antonio!!

Souquez ferme, moussaillons et matelots! Il faut ramener le titre à San Antonio!!

La clé des Spurs, c’est le rendement de l’Amiral Robinson. Maître du navire aussi bien en attaque qu’en défense. L’Amiral régule le trafic maritime qui entre dans la raquette des Spurs (12.2 rebonds, 2.3 interceptions, 4.5 contres) et part naviguer au large pour envoyer quelques exocets dans le panier adverse (23.2 points). Il s’impose dans sa 3ème saison comme le meilleur pivot de la NBA. On a rarement vu sur le parquet une telle combinaison de taille, vitesse et qualités athlétique. Meilleur rebondeur de la ligue l’année dernière. Il va vivre une saison historique sur le plan individuel en 91-92 en trustant le top 10 de cinq catégories statistiques (8ème au points, 7ème au % au tirs, 5ème aux steals, 4ème au rebond et premier au contre) et en étant élu meilleur défenseur de la NBA !

Si individuellement, l’ex-pensionnaire de la Navy est très fort, on l’attend plus dans un rôle de leader de la jeune garde des Spurs.

Match commenté par un tandem qui a fait ses preuves : Bruno Poulain et George Eddy!

Box-score du match.

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Les anecdotes autour de la rencontre

Vous l’avez peut-être reconnu au coté de Larry Brown, et oui coucou! c’est Greg Popovich qui officie en tant qu’assistant coach des Spurs! Une longue histoire d’amour que Pop n’enfreindra que pendant la période 92-94 en tant qu’assistant de Don Nelson aux Warriors… Quelques futures connaissances françaises foulent le parquet: Sedale Threatt sera le meneur de jeu du PSG Basket au début de la saison 96-97. Vieillissant et peu à son avantage, il sera coupé au bout de quelques matchs, ce qui n’empêchera pas Paris doté d’un bel effectif (Sciarra, Risacher, Dacoury, J.R Reid, Struelens) de finir Champion de France… Terry Teagle vous rappelle peut-être quelque chose, en effet il sera l’adversaire du CSP Limoges lors la mythique finale de 1993! Recruté par le Benetton Trévise, il rendra fou la défense de Bozidar Maljkovic en première mi-temps avant d’être cadenassé par le diabolique blondinet Jimmy Vérove… Le percutant Donald Royal a marqué 33 points contre les Lakers, pas dans ce match où l’ailier s’est montré maladroit mais avec le Maccabi Tel-Aviv lors de la  pré-saison en 1990, victoire facile de Los Angeles 129 à 106… Retrouvaille de promo 1982! Quand le numéro un de la draft James Worthy rencontre son dauphin Terry Cummings… Sam Perkins vient de perdre sa première finale contre les Bulls, il en perdra une autre avec les Sonics en 1996 et une troisième avec les Pacers en 2000 contre… les Lakers! Quand ça veut pas… Vinnie Johnson, qui joue sa dernière saison, est un vieil habitué des joutes contre les Lakers, deux finales de suite en 1988 et 1989 avec les Bad Boys de Detroit, un titre partout…